HUMEUR - Fathi Derder a laissé une lettre d'adieu
- elleadebeauxrestes
- 3 févr.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 mars
Ma Léa, Fathi Derder est un monsieur que je ne connaissais pas personnellement mais que j'ai pu croisé dans le cadre de mon travail. Nous faisions en quelque sorte partie de la même "famille" et nous étions de la même génération. Celle qui a aujourd'hui des difficultés à se sentir bien dans ses baskets, voit et sent des choses s'écrouler, ne sait pas toujours par quoi les remplacer, cherche à quoi pourraient servir ses propres actions et même son regard jugés par avance dépassés. Il n'a pas eu ses réponses, ne se sentait plus respecté et a tiré sa révérence. Je le crois quand il disait avoir gardé foi en la vie dans laquelle il ne trouvait plus sa place mais aussi en ses enfants qui sauront encore la célébrer dans la force de sa mémoire. Je lui souhaite la paix et un nouveau rôle d'ange gardien.
Le journaliste et ex-conseiller national suisse a laissé un message posthume pour les gens qu'il aimait. Il souhaitait que sa lettre datée du 25 janvier 2025 , jour de son décès, soit rendue publique. Celle-ci précise qu'il a fait le choix de mourir. Ce message posthume est titré: «Merci mes enfants, mes amis, mes collègues, la vie». Suivant la volonté du défunt, elle a été rendue publique par son frère, après ses obsèques à Lausanne, jeudi dernier.
«Ne soyez pas triste. La vie est belle. Mais j'irai mieux mort», écrit-il au début. Après une digression sur sa vie entre Lausanne et Genève, il en vient à évoquer sa fin: «Je suis content. 54 ans, c'est un bel âge pour mourir. Vous ne trouvez pas? À 54 ans, si on a pris soin de soi, ce que j'ai fait, vous êtes au sommet de votre forme. Juste avant l'inexorable déchéance humaine». Mais il se ravise: «Je me mens un peu. Dans le fond, je suis triste. Triste à l'idée de ne plus voir les gens que j'aime». Il pense alors à ses enfants. Il en a eu quatre de deux unions. «Je ne pourrais plus jamais les serrer dans mes bras. Et ça, c'est une immense souffrance».
Il précise aussi qu'il y a «de nombreuses raisons privées, conjoncturelles (...) Je suis le seul responsable. C'est ma décision. Personne ne m'a poussé au suicide». Il évoque ensuite «un contexte professionnel toxique qui a servi de détonateur». Fathi Derder avait repris du service à la RTS depuis l'automne 2022, où il avait produit plusieurs émissions: «Drôle d'époque», «Le Grand Soir» et, plus récemment durant les Fêtes, «La recette du succès».
Fathi Derder dit avoir fait le choix de mourir «depuis des mois»: «La mort ne me fait pas peur. Au contraire, je suis très curieux de savoir ce qu'il y a après. Je sais que la seule solution pour savoir ce qu'il y a après la vie, ce ne sont ni les religions, ni les sectes. Mais mourir simplement. Une expérience comme une autre. Mieux, un dernier reportage. Si j'ose dire».
S'il dit se «réjouir» de mourir à 54 ans, il admet que «ce n'est pas très raisonnable, je sais, voire cruel pour des enfants et une famille qui vous aiment. On va me traiter de salaud, de père indigne...» Mais plus loin, il ajoute: «L'avenir ce sont mes enfants. Pas moi. Je préfère leur céder la place en leur donnant les moyens avec un modeste héritage, de se lancer dans la vie... Je serai une bonne étoile, leur bonne étoile. Je veillerai toujours sur eux, l'étoile du berger, Vénus. La première à étinceler le soir et la dernière à s'éteindre le matin».
Dans un post-scriptum, il remercie de nombreuses personnes avec qui il a travaillé à la radio ces dernières années. Dans ce contexte, il dénonce aussi des responsabilités à la RTS, en évoquant finalement un mal plus profond: «Une dépression que je n'ai pas vue venir», explique-t-il.
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"Fathi était le contraire de la mort et du silence. On entendait ses chaussures claquer de loin quand il arrivait et s’énervait si la radio était éteinte dans le bureau: “vous ne pouvez pas bosser en équipe à la radio si vous n’écoutez pas vos collègues!”
Fathi, c’était beaucoup de bon sens et beaucoup d’idées. Beaucoup d’exigences sur lesquelles il ne lâchait rien. Jamais. Il m’a fait transpirer, il m’a agacé, il m’a poussé, il m’a bousculé. Mais je lui en suis très reconnaissant. Et c’était toujours avec un seul et unique but: offrir au public ce qu’on peut faire de mieux.
Aujourd’hui encore, j’opère en partie selon le cadre qu’il m’avait imprimé à l’époque, quand j’étais en Matinale et il était mon chef. Parce que les bonnes ficelles, on ne les oublie pas.
Il y a 20 ans, avant tout le monde, il parlait déjà de lutte contre la “news fatigue”. Fathi a fait beaucoup de choses avant tout le monde.
Il était le contraire de la mort et du silence. Je pense à sa famille et à ses amis qui doivent ressentir un vide sidéral."
Eric Guevara-Frey
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