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HUMEUR - Santé mentale, avant, personne n'en parlait

  • Photo du rédacteur: elleadebeauxrestes
    elleadebeauxrestes
  • 3 avr. 2024
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 août 2024

Ma Léa_nxieuse,


Si je me trouve actuellement à 56 ans en reconstruction après un burnout, la lente descente a commencé il y a bien longtemps. C'est comme si nous avions un capital de capacité de vie le jour de notre naissance que je l'avais grevé peu à peu jusqu'à l'épuisement, l'auto combustion.


Ce fut sournois, d'abord par des troubles alimentaires dès l'âge de 15 ans puis des troubles anxieux dès 28-29 ans. Les premiers ont été déclenchés par le décès accidentel de mon frère, un arrêt de mes règles, la prise de 3 kg suivie de nombreux régimes farfelus imposés par ma mère inquiète s'alternant à des crises d'hyperphagie clandestines. L'anxiété s'est déclarée, alors que je pensais mes troubles alimentaires calmés, à la suite de la maladie de mon père lorsque j'ai compris que je pourrais le perdre, un possible inimaginable pour moi. Je suis tombée évanouie à l'annonce en direct par le médecin qu'il devrait entamer une chimiothérapie. L'enfer de l'anxiété commençait.


J'ai le sentiment aujourd'hui de n'avoir, alors, fait que perdre mon temps à éviter les troubles plutôt que les accueillir pour les comprendre. J'épuisais ainsi encore plus mon capital au lieu d'essayer de trouver la cause profonde de cette fuite d'énergie dans les troubles alimentaires et anxieux. D'où venait ce sentiment de vide à combler, d'insécurité permanent, de dégoût de moi-même qui me laissait encore plus démunie à chaque crise de boulimie ou d'anxiété, à chaque évitement et qui me laissait, surtout, sans aucune ressource à chaque période sombre ou d'adversité dans ma vie ?


Il y a eu des hauts et des bas. Les hauts ont été ces moments de vie comme la maternité et des amours porteurs... du répit, des émotions positives, le sentiment d'être aimée, reconnue. Dans les moments de fatigue, de stress, de rupture ou de perte, les troubles revenaient plus ou moins intensément. Des doubles peines. Je ne comprenais pas, je subissais, m'autoanalysais sans succès, je perdais confiance, je ne voyais personne qui me ressemblait. Je pensais que si je parvenais à me contrôler, que j'avais assez de force, de discipline, de courage, de vigilance, je n'aurais plus de crises d'hyperphagie ou d'angoisse, je serai bien dans ma peau, je serais aimable, efficace, jolie, joyeuse, résiliente, je serais enfin ce qu'on attend de moi. Est-ce que c'était ce que je voulais, je n'en savais rien. J'étais un robot (le fameux petit soldat) qui devait avancer coûte que coûte. Je me sentais comme une funambule sur le fil de ma vie, le précipice semblant toujours plus profond, le fil toujours plus fin et coupant et mon équilibre plus précaire. Chaque pas ne demandait tellement d'énergie que j'étais imperméable à ce qui se passait autour de moi. Un cercle pervers. Je me coupais de mon univers, de ma respiration.


Dans les années 80-90, nous ne parlions pas de santé mentale, il n'y avait pas de mots pour en qualifier les troubles. Les gens étaient dépressifs, mélancoliques, les femmes étaient sur le retour, ils étaient tous qualifiés de faibles, paresseux, peut-être de fous et souvent de folles. La dépression n'était pas encore une maladie. Nous méritions, en quelque sorte, ce qui nous arrivait et ce qui nous arrivait, nous le cachions honteusement. La femme battue méritait son sort, celle qui portait une mini jupe cherchait à être violée, l'homosexuel était un anormal, l'étranger attendait sans broncher dans les épiceries que tous les clients nés dans le coin soient servis avant lui, les efféminés étaient moqués et les enfants harcelés n'avaient pas les bons codes. Chacun a sa place, les femmes aux fourneaux, les hommes à l'apéro et plus ils tenaient l'alcool, plus ils étaient admirés par leurs acolytes avinés.


Heureusement, à l'arrivée des années 2000, lentement, des mots se sont posés sur les maux, les troubles, les maladies, les addictions, les comportements et donc aussi les abus, les questions d'égalité, de genre, de droit. Ce sont dans les émissions de Jean-Luc Delarue et plus précisément l'émission "ça se discute" que des thèmes de société ont commencé à se débattre au grand jour. J'y ai appris ce qu'était la violence domestique, le sida, une anorexique (et donc ce dont souffrait mon amie de classe devenue cadavérique et moi peut-être qui était dans l'autre extrême du trouble alimentaire ), un pervers narcissique (et donc pourquoi la voisine était toujours pressée de rentrer), un bipolaire (et donc pourquoi un copain de classe n'avait pas pu se présenter aux examens après n'avoir pas pu dormir durant une semaine)... et tant d'autres choses. Je voulais devenir psychologue. Je pense encore que j'aurais dû insister auprès de mon père endetté.


Bien que je ne parlais à personne de mes troubles, j'ai compris que ce n'était pas normal et que je n'étais pas la seule. Je me mettais à observer les gens autour de moi. Est-ce que celle-là la mine bouffie a fait une crise de boulimie ce week-end, celui-ci, le teint gris et le dos voûté, redoute-t-il de rejoindre les bans d'école ou son travail ? Est-ce que cette personne obèse cherche à me provoquer en engloutissant son beignet dégoulinant ?

Nous étions toutes et tous à jouer la comédie du bien-être et moi, dans ce domaine, j'excellais, toujours le sourire aux lèvres, une guerrière à l'extérieur et pour mon entourage, mais une toute petite fille coupable, capricieuse, honteuse, complexée à l'intérieur. Je ne parlais pas par peur de décevoir mon entourage et surtout mes parents, ajouter à leur peine immense qui avait été de perdre un enfant, pour les rassurer, pour ne pas leur donner de soucis, pour ne pas les culpabiliser. Je faisais comme eux aussi... je suivais leur exemple qui était de jouer le mieux possible la comédie de la vie parfaite, de Barbie et Ken, . Vive l'hypocrisie familiale.


Nous sommes plus de 25 ans plus tard, le temps qu'il a fallu pour que les langues se délient et la mienne aussi. C'est bien mais c'est tard, trop tard au regard des souffrances endurées pout tant de gens. C'est la raison qui fait que je t'écris aujourd'hui, pour que ces souffrances trouvent du sens en t'aidant d'une manière ou d'une autre à dépasser les tiennes. J'espère que ma génération, parce qu'elle aura mis des mots sur les troubles, aura partagé ses expériences, aura témoigné, aura condamné, sera le point de départ d'un épanouissement plus aisé de chaque âme et de son respect. Récemment, c'est une personne non binaire qui a gagné le concours de l'Eurovision. Est-ce que se positionner comme une "créature" au delà des genres, des conventions, des codes classiques de beauté, du respect de soi et des autres, nous dispensera-t-il de souffrir ?


Est-ce que j'aurais cru, il y a à peine 20 ans que je discuterais hier avec le fils de mon amie, que j'ai vu grandir et qu'il/elle me dirait combien elle souffre par ce que ses proches se trompent en disait "lui" ou lieu d'"elle", qu'elle ne sent pas respectée, qu'elle trouve insoutenable que sa mère puisse apparenter sa transition à une perte, un deuil à faire alors qu'elle est bien vivante, que les poils sur ses joues et son torse la dégoûtent, qu'elle en veut à cette société, à moi, à sa maman, aux adultes qui l'ont laissé marinée aussi longtemps,

que seuls les joints apaisent son martyr, en attendant alors qu'il/elle ment à sa mère sur cette addiction.


La boîte de Pandore est ouverte, qu'allons-nous encore apprendre, quel miroir nous serra tendu ?.





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